À une semaine
de mon départ de cette Tunisie dorénavant chérie, marquée non seulement des
traces du soleil qui brille tous les jours et qui m’a si goulument embrassée et
embrasée, mais aussi, déjà de cette future trace indélébile encrée que j’ajouterai
à mon corps, au ventre, car si certains lieux doivent être marqués d’une pierre ou
une date d’une croix, tant pour se rappeler de l’emplacement du trésor
que du grand événement, je me dois de porter à la surface de mon être ce qui
m’a si profondément touchée et peut-être changée, du moins momentanément, soit le
temps que je suis ici, le temps que l’intranquilité des débuts semble lettre
morte. Ainsi, à une semaine de mon départ, ayant perdu le fil du début de la
précédente phrase et constatant le délitage plutôt rapide des premiers mots
posés en cette contrée, j’affirme, encore dans le silence accompagné de mon
instrument musical préféré – le clavier – en d’autres marques toutes aussi
fragiles que les expériences dont on ne sait jamais comment elles vont nous faire
autre, ce qu’elles vont transformer et si elles agissent véritablement,
durablement et, le cas échéant, si elles le font en certains points seulement de
notre personnalité ou en tous lieux de manière généralisée, ignorant si les expériences
ressemblent aux mouvements lents de gigantesques glaciers ou à celui plus
frétillant des rus qui ruissellent. À une semaine du départ, j’ignore encore
fondamentalement à quel rythme l’érosion se fait. En fait, je ne sais pas s’il
doit être question de décollement de peaux mortes ou de parcelles minérales ou
d’ajouts, croûtes qui s’étagent comme sur la terre ou sur l’écorce des arbres,
anneaux de pulpe qui indiquent l’âge de l’arbre. Ayant encore perdu le fil,
bien que l’ayant en bouche parce que c’est précisément d’une tirade
logorrhéique dont il s’agit, et ce, parce que ma phrase est semblable à une
banderole qui accueille les visiteurs étrangers, par exemple face au Colisée
d’El Jem, ou qui indique les soldes du Ramadan au Monoprix, il appert que je
peux y revenir à la toute fin, si toute fin il y a. Cette phrase qui est un
titre, une pierre ou une croix répond à cet appel entendu depuis longtemps
par les constructions concentriques, les ondes qui se déploient à la surface
d’un liquide si des pas lourds remuent le sol ou justement si une pierre y est
lancée. Les ronds faits dans l’eau appartenant à la famille des croix ou des chiasmes
et autres architectoniques textuelles et graphiques qui me fascinent et que je
pourchasse dans ce qui me tombe sous les yeux ou qui s’impose bien
involontairement à moi. En ne terminant pas cette phrase ou gardant pour la fin
sa terminaison, l’évidence de mon obsession brille en filigrane et éclaire mes
matinées littéraires. Il me semble d’ailleurs presque anodin de sombrer dans ce
procédé. Vaquant à la découverte du sud tunisien pour quelques jours
supplémentaires, le rapt du prince arabe étant enfin scellé, je n’en oublie pas
pour autant la finalité de ce déplacement, le choc culturel qui m’attend et
qu’on nomme communément conférence internationale ou je présenterai le fruit de
travaux récents sur la structure chiastique du second livre des Maccabées et plus
particulièrement de la structure étonnante du septième chapitre dans lequel se
déroule l’histoire sordide des martyrs qui dorment avec moi depuis bientôt
presque trois années et qui représentent et présentent le sommet de ces
cruciaux objets, sujets performant l’inversion, et qui parlent, en primeur, de
résurrection. Le phénomène est intéressant en cet écrit, non pas en soi, parce
que cette technique rhétorique est plus que fréquente aux antiques et bibliques
textes, l’intérêt réside dans le parallélisme au niveau du fond, miroir de la
forme, car les martyrs, de pauvres victimes se voient transformés en vainqueurs
ici-bas et dans l’au-delà, celui du trépas et celui des générations dans la
mesure où il en est encore question et que cette question est toujours actuelle,
et que la femme ayant enfanté un nombre de fils correspondant à la sainte
hebdomade subit également une inversion en son nœud central, au ventre, oui,
madame, car elle est dite virile. Ce n’est que la pointe du iceberg, qui ne
perd des plaques de glace même après une semaine d’été chaleureux. Un chiasme,
c’est un X qui irradie à partir du
centre et part dans quatre directions ou plutôt deux, les pattes du haut et
celle du bas présentant une distinction aussi nette que le noir et le blanc. Butler
considère que la performativité est chiastique, soit une rencontre d’acte et de
discours et d’autres soulignent que la maternité est chiastique, l’un et
l’autre se formant dans l’axe et changeant définitivement l’un et l’autre. Il
est facile d’abuser et de réduire la complexité de différents ensembles à une
croisement, un joyeux mélange qui n’est pas sans effets sur les parties. Il
n’en demeure pas moins que le martyre et els martyrs m’apparaissent comme des chiasmes,
chacun à leur façon et que cette mort violente est d’actualité, bien autant que
l’évasion fiscale qui fait scandale en Occident ou la violence conjugale, le
passage du pouvoir au Qatar et j’en passe. Oui, madame, le martyre, ici, c’est
presque de la petite bière de luxe en canette, parce que dans la bouteille de
verre le taux d’alcool est plus élevé. D’ailleurs, n‘oubliant pas ou je voulais
en venir au bout de ce voyage au bout de la Tunisie, il me faut ouvrir
largement une parenthèse à propos de Sidi bou Zid, le bled ou l’incendie qui
fit pousser des gendarmes couchés sur tous les chemins asphaltés a commencé à
proximité duquel je suis passé dimanche dernier. Sidi bou Zid a vu, en octobre
ou en décembre 2010, je ne suis plus certaine et ne peux vérifier sans la
magie d’internet, un homme s’immoler face à la mairie en réponse à une
contravention donnée par une policière insultante qu’il ne pouvait payer et lui
signifiait que la méthode trouvée pour amasser un maigre pécule était illégale. Ce dernier, un
Mohammed, vendait des fruits et des légumes sur une charrette comme on en voit
tant dorénavant. À bout de tout, un
matin, il s’aspergea de gasoil et craqua l’allumette qui mit la Tunisie dans
tous ses états, ce qui renversa l’État Ben Ali, Tunisie sans dessus dessous,
tournant sur elle-même parce que son histoire arrivait à cet apex. À quelques
coups de volant de cette minuscule ville, je n’ai pas osé demandé à mon chauffeur,
qui me drive crazy, de faire le
détour pour voir la place du martyr, mais j’y songeais sans cesse en lisant la
signalisation routière annonçant fréquemment notre présence dans le
directorat ainsi nommé. Je n’ai pas osé, peut-être pour éviter cette discussion,
mon collègue de jeux amoureux n’étant pas un intellectuel et se sentant menacé
dès que j’ouvre un livre, mais surtout la bouche pour discuter politique, art
ou religion avec un de ses collègues ayant la réplique plus facile sur ses
sujets que lui-même. Je ne souffle mot sur cette histoire et cette révolution,
car j’ai rencontré un classique, un mec extraordinaire qui s’imagine bien dans
ses baskets et confiant, mais perdant la face en moins de deux devant la femme
qu’il croyait dominer. Oui, chéri, je suis plus culturelle, comme tu le dis et
oui, ça te menace. Oui, l’appartement où je n’habite que deux mois est rempli
de livres, oui, je lis les journaux de ton pays et regarde la télé pour savoir
ce qui se passe ici ou en Turquie. Et oui, même si c’est en arabe, je
comprends, Oui, je saisi le sujet de vos conversations et oui, je connais les cinq
fameux piliers et les distinctions nuancées des sunnites et des chiites,
manifestement plus que tant de gens qui appartiennent à cette religion, qui pensent
être les seuls à posséder la clé et aiment que les occidentales portent le
hijab, mais ne vont pas plus loin, ce qui est fort dommage. Il m’arrive de me
dire que apte à faire cette profession de foi, la clé, à entrer en chantant
dans l’islam, ce que je ne fais pas ou le récitant toute seule dans l’oreille
d’Allah, je connais plus ce système et en ait une admiration plus grande que
ceux et celles qui le vivent par la force de la naissance, par la tradition qui
colle à la peau. La peau du prépuce, celle du front par toutes ses prières,
celle du palais quand sonnera le 8 juillet et qu’un mois durant, ils se
traineront le jour et se rempliront le cul la nuit, celle des mains par
l’aumône donnée ou reçue et celle des pieds par ce possible pèlerinage en ce
lieu interdit tant que je n’accepterai de prononcer mon vœu, ma reconnaissance
de cette vérité et de considérer ces mots tels : La Illah aliha Allah,
Mohammed Rassoul Allah devant un tiers qui me confirmera que j’ai la clé, alors
que je pense qu’il y a un imposant trousseau pour entrer dans ces mosquées et
autres lieux saints, dont dans cette oumma ou simplement cette langue qui est
un univers extraordinaire. Pour en revenir aux martyrs, j’ai vu les mots Sidi
Bou Zid sans broncher et un peu plus tard, j’ai appris la raison de cette
multiplication des flics morts et par leur nombre j’ose évaluer que le
redressement du pays prendra à peu près cinq ans. Je déconne à peine, mais
insiste pour dire que ces innombrables dos d’ânes sont les seuls moyens de
faire ralentir la circulation plutôt anarchique. Pas de feux rouges à Tozeur, un
arrêt à Hergla, à peine plus à Sousse, pourtant la ville en troisième position
de peuplement. Il faut dire qu’il y a
aussi de nombreux ronds-points qui se révèlent un ingénieux et peu couteux système.
Il en de même avec le dos d’âne qui, en soi n’est pas problématique. Là où le
bat blesse est qu’il en a maintenant des milliers. Ali en a compté 185 entre
Douz et Matmata, si je me souviens bien, ce qui est ridicule considérant qu’il
y a presque autant de kilomètres séparant ces deux villes. Or, ces dispositifs sont
surtout regroupés autour des entrées et des sorties des agglomérations que je
n’ose dire urbaine. Plusieurs sont étatiques, avec des plaques de métal et des
bandes de peintures pour les annoncer. Des panneaux placés quelques mètres
avant eux signalent aux conducteurs leur présence et leur permettent ainsi de ralentir
en temps opportun. Plusieurs, soit la majorité maintenant, ont été mis en place
soit par les municipalités qui s’arrogent différents pouvoirs – vive la
révolution – mais surtout par des voyous. L’histoire est inquiétante, on me la
présenta d’ailleurs comme un mauvais rêve et ce songe m’a ramené à celui dont
ne se réveillent presque jamais les Libanais. Étant donné que ces gendarmes
morts forcent à ralentir sinon arrêter selon la courbe prise par le dos de
l’âne ou la protubérance ventrue du policier, certains eurent l’idée d’en
installer pour prendre les voyageurs en otage. Armés, ces hommes faisaient la
loi sur els routes et volaient les gens, le contenu de leurs poches, du coffre
à gant ou la valise arrière quand cela n’allait pas plus loin pour des
convictions politico-religieuses divergentes. Je n’ose imaginer le barbu avec
sa kalachnikov menaçant ma beauté parce qu’il a sa boite de bière entre les
cuisses et écoute du naughty rap, avec moi en plus, sise à ses côtés les joues
encore rouge de nos leçons de latin. Heureusement, désormais, ces renflements
d’asphalte artisanaux ou professionnels ne ralentissent plus que la circulation
pour le bonheur de la trouillarde que je suis. Fin de la parenthèse. J’en étais
à cette phrase qui ne veut se dérouler normalement, laisser la suite se
pointer, comme si elles avait flairer un danger et que de se montrer
entièrement dans la lumière en ferait une cible, l’enverrait aux pays des
ombres, dans l’envers de la vie nue. Or, à une semaine de ce départ que je
redoute avec les minutes qui s’égrènent sur le plancher blanc de cet
appartement qui montre les passages répétés à la plage et au désert, minutes
qui s’emmêlent aux grains rouges et jaunes laissés par nos souliers, je peux
affirmer que désormais, la lettre est vive et l’écriture n’est pas une façon
crasse de rejeter le fiel, de repousser la douleur, de mettre à mort la mort, ou
même de me convaincre que j’ai bel et bien cette capacité à exprimer si ce
n’est d’imprimer des livres qu’on s’arrache et cite à l’envi. Ça ne m’importe
plus, les affres compétitives universitaires ne me dérangent pas, le succès
littéraire me laisse indifférente, je sais que je ne dois que vivre avec ce que
j’ai à faire avec ce qu’on m’a donné et tenté, sans tambours ni trompettes, d’atteindre
un durable bonheur, délirer à fond en sachant quand faire cesser ce délire.
À l’orée de
mes trente-sept ans, dans ce grand appartement blanc de Tunis, seule,
j’imaginais que j’étais ici pour me précipiter vers la mort, avec la conviction
que ce qui meurt a une plus grande propension à modifier le monde autour. Sept
semaines plus tard, une quarantaine de jours comme ceux de Jésus passé au
désert pour lutter contre ses démons, ayant fait deux virées dans ces
territoires arides, mais vivifiants, je ne le pense plus. La mort m’a lâchée
les baskets et mes pieds avancent avec assurance, portant ma tête
solidement entre les nuages rieurs taquinant les raies d’or qui fustigent ce
pays. J’entends Ali me dire que je dois écrire sur le désert, ce bel amoureux
blanc et rouge qui s’étend sur des kilomètres, qui murmure incessamment la
liberté et le calme de ce présent offert avec la vie. Choisir la vie, la
prendre et se laisser prendre par elle, ouvrir les portes et les fenêtres,
apprivoiser les vents et se la couler douce tant qu’il est possible tant que la
tempête ne frappe et exige de se couvrir le visage complètement, de fermer les
yeux et de retrouver la noirceur. Dans le deuxième voyage au sud, réponse faite
à la demande du chevalier musulman pour qui mon départ rime bel et bien avec
Ramadan ou grand jeûne, j’ai trouvé dans l’envers de mes paupières encore de la
lumière. La nuit est partie sur un autre continent et le jour perdure pendant
ce temps que je suis entre des dunes, des dromadaires paissant tranquillement,
des sources de sulfure, baignée par des notes offertes à ce bel amant,
enveloppée par sa voix grave qui voyage sans efforts apparents de l’arabe au
français en passant par l’anglais et qui m’apprends à dire plus que bonjour
comment ça va. Ainsi, les bières bues sur les rives d’un lac salé sous un soleil
rosissant que les Russes venaient photographier, Ali m’a parlé du cancer de son
père et de sa disparition, de cette commune exception que nous avons trouvé en
cette journée de mon arrivée dans sa vie sur le trottoir de l’avenue Habib
Bourguiba en croquant des amandes qui rendent les hommes virils, soit qui
fortifient leurs érections selon la légende qui circule. Il a mangé tout le
sac, m’a conduit chez un ami, m’a fait une crise de jalousie ensuite parce que
l’échange entre moi et cet ami allait trop bon train, m’a amené à la pharmacie
de nuit ou dans une petite pièce, attendant qu’on vienne me refaire un
pansement sur mon pied, il m’a embrassé. La place était bondée, il ne s’en
souciait guère malgré mes protestations de fille qui connaît ce monde musulman.
Ce n’était pas une première, ayant su saisir le moment lorsque je jubilais dans
le couchant, la caméra au poing et son bras à mon cou. Il me convainquit de
rester sans toutefois vouloir mentionner le tarif de ces quelques jours en sus
de crainte que je ne puisse me permettre cette dépense et être avec lui pour
ces prochains deux jours de congé. Congé
payé, oui. Or, il coupa la poire en deux, paya tant et tant pour moi que je ne
sais plus la valeur de cette tournée entre Tozeur et Gabès ou sais plutôt que
je n’étais pas une touriste, mais son invitée. N’empêche, après avoir manifesté
son inclinaison, mais surtout sa noire jalousie qui me sembla alors trop
intense pour les heures que nous avions eu ensemble dans le silence et dans nos
brefs échanges, il me quitta devant la
porte de la résidence avec une promesse d’y être de retour le lendemain matin dès
9 heure. Je devais, une fois de plus, faire confiance et possiblement manquer
le train pour revenir à Sousse, mais j’étais prête à croire, fascinée d’être
saisie par la croyance plus que la crédentité, pour faire changement, pour
ajouter du piquant ou parce que le refus assure, justement qu’il ne se passera
rien, alors que la confiance, même aveugle, provoque le destin. Mektoub ?
Je ne sais et ça m’importe peu. D’ailleurs, ce n’est pas le genre de formules
qu’il emploie, peu croyant qu’il est, du moins, du charabia islamique et des
préceptes proposés, parfois, ma foi, fort arriérés. Ali est la seule personne
que j’ai rencontrée depuis mon arrivée qui est à l’heure, même plus que le
train à El Jem ou à Sfax. Ainsi, comme convenu, en mettant le nez dehors,
je constate que le 4X4 est stationné devant l’entrée. Puis, avec nos bagages
choyant sur le siège arrière, nous refaisons le trajet d’hier pour acheter de
l’eau fraiche qui deviendra rapidement aussi chaude qu’un geyser. Nous nous
dirigeons vers Douz, la dite porte du désert et devons, pour se faire, traverser
le grand chott, le lac salé qui sépare les deux grands points de ralliements
des chameliers que sont Tozeur et la susmentionnée et dont la superficie est
impressionnante. À gauche à droite de notre boite à musique qui crache son
techno à tue-tête, partout des cristaux brillent tels des flocons de neige,
hormis la route d’asphalte qui coupe cette irrégulière forme blanche dont le
relief brisé porte en elle le « sur » qui existe aussi à Tozeur et
dont j’ai auparavant parlé. À cet effet, il m’appert qu’après mures réflexions,
il me faudra peut-être dire que l’ensemble de l’œuvre sous le je ne sais trop
quel parallèle est surréaliste et surnaturel, invariablement « sur ».
De ce lac, l’eau s’est retirée il y a fort longtemps, mais mes idées sur cette
mer intérieure ont dû être révisées plus tard suite à l’annonce qu’une ancienne
savane où les animaux de cette Afrique noire s’accouplaient dans les ombrages
formait naguère le paysage. Dorénavant, le Sahara, qui signifie désert en arabe
parce qu’il ne sert parfois à rien de chercher loin la poésie inhérente aux
langues, distingue ces deux mondes, leur faune et leur flore respective. Le sel
rutile comme une mine diamantaire à ciel ouvert et les drames de l’exploitation
ne frappent pas aussi durement, les hommes ne s’entretuent pas pour ce qui vaut
bien moins sur les marchés boursiers. Pourtant, ce sel qui donne une saveur
plus que métaphorique à nos existences avec tant d’autres épices, est ce qui
mit en branle d’importantes transhumances. Du moins, c’est ce qu’on raconte, bien
que je ne pense pas que la gastronomie ait été l’incitatif principal ou
exclusif, tous et chacun pouvant manger de la merde ou des plats fades sans
pour autant vouloir bouger son cul et aller à la limite du monde connu. C’est
encore comme ça, tant en ce qui concerne le sel qu’on met à nos langues et
qu’on pourrait extraire de pleureuses professionnelles, femmes fontaines comme
moi il y a quelques mois, que du sel invisible qui ronge les construits soi-disant
solides et oblige des remplacements fréquents, et dans le cas qui m’occupe, des
déplacements. Le sel, donc, pris en bloc qui rougeoie au contact des eaux
sulfureuses, en d’autres endroits retrousse en croûte comme une peau parsemée
de plaques de psoriasis au stade final. Certains parlent de paysage lunaire en
raison des zones grises et sèches qui sentent la poussière et qui sont peut-être
des réminiscence de phosphate, la plus grande richesse naturelle de Tunisie, engrais
qui sature le sous-sol aux environs de Gafsa, la grande ville du sud. Je ne
vois pas la lune, j’imagine toutes les planètes sur lesquelles nous
n’avancerons pas avec nos mains nues et je vois ce soleil qui me conduit à vive
allure. Il me vient à penser que les dromadaires conservent leurs eaux ou
peuvent ne pas boire pendant plus de deux semaines en raison du sel qui retient
les coups de suées bien plus que grâce à la bosse ou je ne sait quelle autre
qualité physiologique. Au café où Ali se boit un troisième verre de ce sirop
noir et sucré pour retrouver sous peu son humeur tant vantée dans son petit
cahier, des petites étendues liquides me ramènent à la Mer Morte, à cette pire
journée de toute ma vie, comme je lui ai dit, parce que la pression
atmosphérique en raison de notre situation sous le niveau de la mer atterre,
parce que l’eau oléagineuse à souhait ne rafraîchît pas, parce que toutes les
plaies, égratignures et infimes blessures sont mordues par la chimie, parce que
les amas solides et piquants qui forment le rivage n’invitent ni à la détente
ni au plus élémentaire confort. Sur les berges de cette mer, il est impossible
d’oublier son corps et mêmes si les vertus thérapeutiques se font sentir au
niveau de l’épiderme à retardement, dans le présent, l’âme souffre sans dire un mot et le monde est
alors bien maussade. Malgré le souvenir négatif de cette station, j’y
retournerais n’importe quand et serais au moins informée qu’en cette date, ma
vie serait de la marde. Sinon, des vieilles coques de bateaux sont échouées
dans le paysage et sur lequel des drapeaux du pays fouettent le bleu infini qui
n’est rayé par aucun intrus cotonneux, ils battent pavillon bien que les
amarres ne puissent être larguées. En arrière plan, l’Atlas, toujours, qui se
pointe avec ses sommets déboulant dans la vallée, de moins en moins élevés
allant vers l’Est, avec ses tranches colorés qui semblent avoir été modelées
par les doigts de mille mains. De plus, un panneau routier indique que
l’Algérie est là, à 150 kilomètres alors qu’elle était derrière les pics
parcourus la veille à moins de quelques mètres et que les bicoques abritant les
officiels passages frontaliers étaient apparents. Le monde est beau, il n’est
pas dix heure et la brise est suave, partage cette température que nous avons
tous déjà au corps, rendant la présence
au monde étrange, comme si les parois entre le monde et soi s’abolissaient à
chaque bourrasque soulevant les poussières raréfiées, peut-être les pincées de
sel qui me resteront sur les épaules en fin de course. Nous sommes sur la route
empruntée par les participants du défi Paris-Dakar et les murs du café sont
recouverts de cartes d’affaires, d’autocollants promotionnels, de souvenirs
laissés par les migrants, dont une vielle carte de crédit brochée et des
photographies de photomaton délavées par l’ardeur de l’ardent. Trois cigarettes
respirées plus tard, mon chauffeur qui raconte à qui veut bien l’entendre que
je suis sa copine, reprend le volant et nous avançons vers Kebili, pour ensuite
rejoindre Douz, manger, acheter des vêtements crochetés de jaune bouillant, des
pastèques et de la viande de dromadaire. Or, suite au passage au souk chez ses
300 amis qui possèdent vautours, fennecs et autres bestiaux domestiqués, c’est
l’heure de la sieste, l’heure ou il est plus sage de s’enfermer et fermer les
volets que de vaquer à diverses occupations. Pas un commerçant n’a laissé le
rideau de fer ouvert, pas de viande de dromadaire, pas de pastèque et la
climatisation s’installe changeant la sonorité des heures que nous allons
passées pour se rendre à Ksar Guilane, la fin du monde, le plus bel endroit de
la planète, le lieu où le souffle va me manquer et me revenir en force, où je
perdrai pied sur l’horizon de dunes et la tête sous la voute étoilée. Nous ne
sommes plus dans le lac, mais sur une route traversée de-ci de-là par des
amoncellements de sable que seul un chauffeur expérimenté peut naviguer, et ce,
avec une monture appropriée. Je suis entre bonnes mains, tant assise à sa
droite que devant lui lorsqu’il propose de me photographier dans ces décors de
cinéma, le sable aggloméré serré a permis de creusé des béances et formé des
maisons troglodytes. Ce sont de fermes buttes qui créent enfin des abris revêtus de peaux ridées, craquelées aussi par
des écarts climatiques propres au jour et à la nuit, comme s’il n’y avait
qu’une saison et que la rotation de la terre sur elle-même et jamais pas autour
du soleil. En prenant la route du pipeline enfoui, nous prenons aussi des
passagers qui se rendent dans ce fin fond du monde et peuvent attendre
longtemps que la caravane passe. Ali alors ne me parlera plus qu’en anglais
pour que nos propos, bien qu’anodins ou du moins pas lubriques ou impolis, ne
soient saisis par ce vieil homme et son fils. Rien n’a changé dans le caisson,
il me tient toujours la main, il n’a pas baissé le volume de sa musique de
jeune écervelé, il n’est pas du genre à se censurer ou si peu considérant tous
les comportements qu’il conviendrait de réprimer dans cette société où la puissante
communauté confronte encore bien souvent la liberté individuelle, ce qui rend
cette révolution si difficile à traverser. C’est le bordel, convenons-en et
tous les journaux locaux que je lis sur le sujet m’encourage à penser que les
islamistes vont se péter la fiole s’ils réussissent à écrire une constitution
ou même enclencher des élections comme convenu dans les délais. Ces dernières
devraient avoir lieu en octobre ou en décembre, mais comme rien n’a encore été
fait en ce sens, soit qu’un comité de campagne électoral n’a été formé, ce qui
devrait d’ailleurs causer maints problèmes vu la façon dont un simple projet de
loi peut rencontrer mille aléas avant de se concrétiser, il est plus que
probable que les élections en Tunisie ne se fasse qu’en 2014. Certains avancent
qu’Enhanda connaît sa fin inéluctable et ne gagne que du temps, créent des
alliances pour faire de l’argent, mais que le pouvoir va leur échapper
puisqu’il leur échappe dès maintenant. Il faut le dire, ce n’est certes pas une
tache facile, mais ce parti est démuni de pensées et de personnes aptes à
diriger, les intellectuels ou les libres penseurs, précisément, ne font pas
partie de leur clan. Voilà, c’est dit et c’est partagé par une majorité de
Tunisiens qui en ont plein leurs casques de cette ignorance qui ratisse chez
les ignorants et cultive cette crasse ne permettant surtout pas à leur nation
de briller comme il conviendrait considérant, entre autres, sa diversité et les
lueurs brillantes qui y surgissent comme sur les rivières salées du chott el
djerid. La voiture monte et descend, glisse d’un coté et de l’autre sans que je
comprenne pourquoi cette route est à ce point sinueuse, l’ensemble me
paraissant si peu accidenté. Pourtant, les collines pointent leurs mamelons au
ciel, mais c’est surtout l’extraction du pétrole qui exige d’éviter la
circulation directe au-dessus de l’or noir qui s’écoule lentement jusqu’à la
raffinerie. Les dunes de sables s’évanouissent dans l’arrière pays déjà fardé
d’une lumière de journée à bout de souffle, après le grand rush. Puis, Ksar
Guilane ouvre ses bras ou devrais-je dire ce peignoir de palmiers pour laisser
voir l’alignement de campements berbères qui, eux-mêmes, longent le refuge
d’infinis poussières d’or. C’est après
une fausse sieste, soit où je ferme l’œil mais ne dors pas, que m’attend
le coup de cœur, le coup de tonnerre, le coup de foudre et que cette première
visite laissera, sans marque visible, une empreinte assommante, ce pourquoi
surgit, peut-être, cette urgence d’en faire une à mon corps pour que ce passage
ne puisse disparaître si la maladie dégénérative m’atteint dans le
lointain. C’est en quad que nous irons voir le Maghreb faire son spectacle.
J’ai écouté le conseil du spécialiste. Je n’apporte rien, ni dans mes poches,
ni en bandoulière, seul le chèche sur la tête pour me protéger et les bras
plein de cet amour naissant. Il ne prend qu’une minute pour sortir du décor
civilisé, organisé autour de la source chaude, perdre de vue les chevaliers
vêtus de noir sur leurs majestueux chevaux musclés, les cafés où les visiteurs
s’attablent. Il ne prend qu’une minute pour que je ne veuille plus jamais
revenir à Montréal. Je pleure et ce n’est d’avoir de la poudre aux yeux. Je
n’en crois pas ces yeux et pas d’avoir ses larmes qui montent et brouillent ma
vue, pas d’avoir quoi que ce soit, mais d’être là et que ce là existe, purement
beau, sans aucune transformation faite par l’homme, juste le don fou de la vie,
simplement la nature dans sa démesure ou sa mesure qui n’a rien à voir avec celle
des animaux que nous sommes. Plus on s’enfonce dans la marée montante, parmi
les vagues de roches pulvérisées au plus fin,
plus je serre Ali fort contre moi et plus je pense à ma mère, à mon
père, à mon frère, à ma sœur et je les voudrais témoins de ce dont je suis
témoin. Il existe maints itinéraires pour avancer jusqu’au sommet et alors, je
fais mes pires grimaces et fond, comme si pleurer ainsi combattait la puissance
de ce qui n’a pas une goutte visible ou comme si je devais déposer de cette
rareté, semblable à un orage égaré au-dessus de cette étendue dont l’aridité ne
rime par avec fatalité.
Je me rassois
de retour de la plage devant ce Mac dorénavant gravement abimé par un café
malencontreusement renversé il y a deux jours sur la table de patio.
M’enfargeâmes du bout du pied, toute la structure remua et ma tasse pleine
se vida de moitié sur le clavier, sur le cœur et les poumons de cet objet
chéri, fondement du travail, base de mes loisirs. J’épongeais tant bien que mal
l’objet et il semblait en état convenable lorsque je quittai pour Sousse,
vaquer à mes obligations officielles de coordonnatrice et mes non moins
officielles obligations à l’égard des miens. Puisque je ne peux fermer à clé
l’appartement et ayant un volet cassé m’empêchant de clore la demeure
complètement, je veille toujours à cacher en lieux surs, soit là ou l’on ne
regarde pas pour voler les gens, mes nombreux biens de valeurs. Alors,
l’ordinateur se retrouve sous une pile de couverture dans un placard et ses
différentes composantes éparpillées dans la maison. Craintive, je sauvegarde
tous mes écrits sur deux clés déposées dans des endroits distants et tous aussi
inusités. Je suis ainsi partie, laissant derrière moi la thèse, la littérature,
la collection de photographies et la discographie dans ces abris, et ce, que ce
soit au bout du pays ou à l’épicerie au centre du village, à moins de dei
minutes de marche. Pourtant, une grille verrouillée ferme l’accès à la maison
et Fredj, le gardien y est présent la plupart du temps avant que ne retentisse
l’avant dernier appel à la prière dont j’ignore l’appellation. Jusqu’ici rien
n’est survenu de décevant ou d’alarmant, mais ragaillardie par des messages
touchants et des tâches réalisées sans que je n’ai à remuer les doigts, je suis
entrée et ai trouvé l’ordinateur embué et ne répondant plus à mes
commandes » Il prit presque cinq minutes avant de me demander mon mot de
passe que je ne pu entrer adéquatement la touche 5 demeurant inactive, la seule
de tout le clavier qui ne réagit pas à la pression et dont j’ai absolument
besoin pour entrer dans ce monde, revoir le visage de Ali, terminer la
conférence et finir la présentation PowerPoint qui l’accompagne pour cet événement
devant avoir lieu dans un peu plus d’une semaine. Je tente de d’ouvrir le tout
et m’attelle aux satanées minuscules vis dont le tournevis a été omis dans mes
volumineux bagages. Le couteau fera l’affaire, mais maintes résistances ne me réduisent
pas à abandonner si facilement. Je persiste, mais en vain. Puis, l’idée
lumineuse me vient d’arracher la touche qui défaille et de triturer le circuit
pour qu’il me manifeste sa réponse dans l’écran. Une fois sur deux, ce procédé
fonctionne, mais le mot de passe ne paraît plus le bon. J’utilise ce mot de
passe depuis mon inscription au collège et je sais pertinemment que je ne fais
pas erreur. Je reste calme, je m’étonne de ce calme et me convaincs que je me
rendrai encore demain à Sousse avec chéri sous le bras pour trouver quelqu’un
qui me permettra de mettre le doigt, mais tellement, sur le sésame et entrer
dans la caverne ou se trouve, oui, le visage d’Ali, mais aucun voleur dans des
jarres, c’est-à-dire la seule partie de l’histoire que nous avons réussie à nous
souvenir de concert lorsqu’il se moqua de son nom et de ses différents
référents. C’est que Ali disant baba, dit aussi qu’il est père de trois enfants,
l’aveu qui tomba un soir où nous avions nos plus beaux atours dans le bar après
qu’il m’eut questionné sur mes relations amoureuses et montré un dédain certain
pour ce cher Jasmin, le dernier en lice, simplement parce que c’est le dernier
et que j’imagine avoir encore dans le regard quand j’en parle, même en mal, des
pointes d’affection. Sa maladive jalousie me fait rire considérant ce qu’il me
raconta par la suite et le temps de digestion requis qu’il me fallut pour
passer par dessus cette omission des premiers jours. Ali Baba, avec deux jours supplémentaires en ma compagnie, devint
Ali buvette Baba, parce que chéri est porté sur la bouteille, pour son plus
grand malheur, soit la nette certitude que j’ai concernant les raisons ou
déraisons de sa séparation, soit ce vice plus ou moins fréquent en pays
musulman et surtout terriblement mal vu et mal vécu. En d’autres mots, Ali ne
boit pas vraiment plus que moi ou que maintes personnes de ma connaissance,
mais ici, le vin n’accompagne pas les repas, les célébrations familiales ne
sont pas arrosées et j’en passe. Ainsi, le gars qui aime tétée de l’alcool et
se reposer dans ces bras après de difficiles journées et des stress ridicules
représente une tare, sinon un parfait taré. Or, voilà, face à cet écran qui
demeure figé sur la question et le sésame qui ne répond pas, je réponds en
buvant toutes les canettes de Celtia achetées dans l’après-midi et m’enivre
seule, ne sachant plus quoi faire de mes dix doigts. Contrairement au sud, où
il est possible de s’enfiler une caisse de douze sans en ressentir les effets
au réveil, au nord, la migraine frappe fort. C’est, paraît-il, une affaire
climatique et atmosphérique, à l’inverse, j’imagine, de ce qu’on ressent aux
abords de la Mer Morte. On raconte également que dormir quatre heures dans le
désert équivalent à huit heures de repos. J’aimerais pouvoir le confirmer, ma
dernière nuit à Tozeur n’ayant durée que trois heures et demie, mais lorsque
les deux réveils sonnèrent sur le patio où nous avons dormi en raison d’un
climatiseur défaillant et du romantisme décadent que la lune presque pleine
proposait, la tête voulait me fendre et mes yeux se recaler profondément dans
leurs orbites, comme des têtes de tortue se rétractant à la vue d’un quelconque
mouvement. Fatiguée, brulée morte, la deuxième tournée dans le sud, haute en
rebondissements de toutes sortes, a eu peu à voir avec la première. Mais je
m’égare et n’ai pas terminé de m’extasier sur le désert à Ksar Guilane, ne me
suis encore rendue à Matmata ni à Gabès, le fief des salafistes ou l’homme me
déposa à la gare et prodigua de nombreux conseils pour éviter tous types
d’harcèlements, tant parce qu’il veut prendre soin de moi – mais qui prends
soin de toi, a-t-il, un moment donné, laissé tomber banalement –, que parce
qu’il est jaloux et qu’une rencontre avec mieux que lui pourrait l’éliminer. De
plus, je n’ai pas terminé cet épisode cauchemardesque de l’agonie informatique
et la phrase du commencement demeure en suspens. Cher lecteur, chère lectrice,
ne l’oublie pas ! Donc, aux environs de midi je me dirige vers la ville pour voir ma préposée
aux affaires touristiques, qui me reconnaît et à qui j’en profite pour faire
mes adieux, afin de trouver la solution à ce problème que je veux garder bénin
dans ma tête de linotte qui ne veut se résoudre à la fatale catastrophe. S’il
fallait que cet ordinateur ne réponde plus jamais, je me verrais obligée de
réécrire tour le papier, de reconstruire tout le PowerPoint et de dire adieu à
ces clichés saisis dans la lumière, ces souvenirs de ce qui me semble encore
irréalité, toujours irréalité, parce que trop intense et trop doux à la fois.
Ce qui me tue n’est même pas la conférence, il me reste du temps pour
retravailler et je connais trop de gens réussissant à pondre ce genre de
document en une soirée, ce sont les moments du quarante-cinquième anniversaire de
mariage de mes parents dont je ne sais s’ils se trouvent dans le disque dur externe
à Montréal et ces moments hallucinants que je n’ai pas encore pu partager depuis
Hergla n’étant pas branchée. Parmi ces derniers, ce moment, d’ailleurs, à Ksar
Guilane où Ali me ramena pour que je puisse, cette seconde fois, saisir ce qui
m’a si profondément saisi lorsque j’y étais nue et démunie, obligée de graver
et garder pour moi ce grandiose spectacle que les mots de Musil décrivent mieux
que moi sans qu’il n’y soit jamais allé lorsqu’il parle du monde au sixième
jour, alors que Dieu est seul face à sa création sans l’homme pour la saccager
et lui donner du tourment. Après deux heures de recherche, deux informaticiens sont
parvenus à identifier la blessure et panser cette dernière. Me voilà donc pianotant
sur un clavier arabe, maitrisant enfin ces touches qui au début de ce périple
me paraissait impossibles à apprendre ou me rendant la tache d’écrire plus que
pénible, décourageant ces élans salvateurs qui me prennent pas mal n’importe
quand, pour ne pas dire tout le temps. Le clavier du Mac est foutu, la musique ne joue plus,
l’ordinateur ronronne difficilement, râle serait donc plus juste, mais les
données sont conservées et j’ai enfin transféré ce qui se doit de rester dans
les annales. Le muezzin chante dans les hauts parleurs de Hergla, avec ce
joyeux décalage, les oiseaux chantent dans les ramages bruissant sous les
caresses du vent et la mer fait entendre sa respiration, dans ce fond sonore se
joint la symphonie que j’écris pour combattre l’Alzheimer, l’évanouissement du
temps présent, du temps passé il n’y a pourtant pas si longtemps et que je
crains d’échapper, temps d’échappement du soi qui se confond avec la farine
sous mes pieds, la chape d’azur et le seul souffle qui redessine sur son
passage le paysage, creuse des rigoles sur les versants qui en sont fouettés. Je
me rassois et désire continuer, car lisant encore ce livre faisant pas moins de
2000 pages, j’en suis arrivée au drame incestueux, aux sections qui traitent de
questions amoureuses tant de l’amour mystique que de l’amour physique et qui
décrivent, bien involontairement, mes sentiments et mes impressions face au
désert. Puisque cet auteur manie la plume avec un brio inclassable, tellement
mieux que moi, j’ai envie de reprendre ces mots et de les mettre là, pour me
les mettre en main, pour sentir que je peux les écrire même s’ils ne viennent
exactement de moi, comme une touche de cigarette prise à celle de la bouche
aimée sur laquelle le gout des lèvres est imprimée.
« La
perpétuelle activité accessoire de l’esprit pour tirer du chaos
d’injustice où il est empêtré une bonne conscience personnelle au bout du
compte s’interrompt enfin et laisse à l’âme une indépendance démesurée. Une
tendre solitude, un orgueil haut comme le ciel répandaient parfois leur éclat
sur ces sorties dans le monde. À côté de ses propres impressions, il arrivait
en de tels instants que le monde parut enflé comme un ballon captif que cernent
les hirondelles, ou ravalé au rang d’un arrière-plan aussi minuscule qu’une forêt
à l’horizon du regard. Les obligations bourgeoises auxquelles elle avait failli
n’angoissaient plus que l’approche encore très lointaine d’un bruit
grossier ; elles étaient sans importance, sinon sans réalité. Ordre
immense réduit à une immense absurdité, voilà ce qu’était devenu le monde. Pourtant,
pour cette raison, chaque détail apparaissant avait cette tension palpitante de
l'exceptionnel, la tension presque excessive de la première découverte
personnelle, dont la magie ne peut se répéter deux fois. ». Puis, un peu
plus loin : « Il faut y rester tout à fait tranquille. On ne doit
laisser place à aucun désir d’aucune sorte, même pas à celui d’interroger. On
doit se dépouiller aussi du bon sens avec lequel on traite ses affaires. On
doit priver son esprit de tous ses outils afin qu’il ne devienne pas un outil.
Il faut lui enlever toute science et toute volonté. Il faut bannir la réalité
et l’ambition de se tourner vers elle. Il faut se contenir jusqu’à ce que la
tête, le cœur et les membres ne soient plus que pur silence, Quand on a atteint
ainsi l’extrême désintéressement, le dedans et le dehors se touchent, comme si
un coin qui divisait le monde en deux avait sauté. »
Ksar Guilane,
donc et l’état dans lequel je m’y trouvais, nez à nez avec l’excès qui ne
pénètre pourtant violemment. Avec une finesse inouïe et un relâchement certain
de plusieurs retenues, je me trouvais neuve dans les bras formées du ciel et
de cette terre qui ne dit mot
compréhensible, mais soufflent néanmoins à plein poumon. J’avais l’impression
que le sol sous mes pas respirait, que sous cette trame moiré se jouait une
histoire d’amour entre le créateur et sa création, et que ni désirée ni
indésirable, j’avais ceci devant moi, sous moi, partout encerclée par la
grandeur que je n’ai vue nulle part ailleurs. Une autre fois, je me suis donc
cru déjà trépassée, dans un royaume où l’énergie dynamique de l’humanité
n’existait point, où seule régnait encore la nature, comme au sixième jour
avant que le crime ne soit commis et que Dieu aille à se reposer de sa bévue
monumentale, semblable à un père dont le comportement débordant l’entraîne dans
une cachette loin des regards pour cuver sa honte et trouver, peut-être des
mots d’excuses qu’il ne dira néanmoins jamais, l’isolement étant déjà le signe
de cette défaite et des remords qui généralement l’accompagnent, une
manifestation suffisante. Sur la butte sur laquelle nous nous enlisâmes
ensuite, j’ai un autre monde à mes pieds, je suis convaincue que l’altérité ne
se trouve au sein de mes semblables, mais dans le désert. Je comprends les
anachorètes d’y avoir fuit en masse, rendant la poursuite difficile et légèrement
paradoxale. C’est qu’à l’époque, il ya avait foule au désert, alors que
maintenant, je suis là, seule, terriblement seule, avec ce mec qui ne dit mot
et observe ma façon d’observer cette nouveauté, comme une homme s’attendrit
possiblement lorsqu’il regarde la jeune fille qu’il déflore. Je me pensais en territoire connu, ayant
passé trois jours et trois nuits dans le désert du Sinaï, cependant cette
visite éclair comparativement, l’heure que je déambulai sur les dunes annula
cette idée du supposée connaissance. L’erg et le reg sont comme les Russes et
les Tunisiens qui tentent de communiquer, les uns ne possédant aucun lexique,
les autres tentant, tant bien que mal, d’aller au-delà du spasiba. Se frotter aux uns ou aux autres ne donne pas les mêmes
résultats, s’il doit absolument y en avoir. Après plusieurs manœuvres pour nous
sortir de notre enfoncement ridicule dans le sable, les pneus étant trop
gonflés selon l’expert en la matière, il m’amène au Ksar, justement. Château
romain dont il ne reste que des pans de murs et qui soulève l’interrogation de
mon collègue barbu, soit que venaient-ils faire ici ? Je ne peux que lui
répondre : « la même chose que nous » et je me dis qu’ils
devaient en profiter pour se saouler comme des porcs, baiser comme des lapins
et se vomir le corps le lendemain pour mieux recommencer à l’abri de tous
les regards et surtout en compagnie des dieux, soit échapper au tumulte déjà
effréné et ridicule du monde. Au retour, je dois répéter ce que j’ai
précédemment avancé, soit que l’impression demeurera plus profondément imprimé
sans le dérangement de la caméra, que sans m’attarder à saisir le plus beau
cliché qui ne pourra, au demeurant, jamais rendre l’ampleur de ma surprise et
de mon émerveillement, j’ai pu me livrer toute entière à cette présence. Ksar
Guilane, c’est aussi le pain cuit dans la terre, sous les braises, tel que j’en ai mangé en Égypte bien que mon
comparse tunisien insiste pour que ces compatriotes aient l’original ou un original
qui ne peut ressembler à celui des autres déserts. Ksar Guilane, c’est une
soirée arrosée de bières et de musique faite maison, où les darboukas vibrent
et la poche aux cornes de gazelle vrille entre les mains expertes du comique de
service. Un couple d’amis d’Ali partagent ce bonheur avec nous, des touristes
français, dont des jumelles qui alignent les volutes de fumée et ne bougent le
gros orteil tandis que leurs conjoints se déhanchent comme des sauterelles et
laissent sortir de leur trop grand sérieux un brin de folie. Je trouve toujours
admirable ces expressions maladroites, mais néanmoins touchantes de ceux et
celles qui se retiennent constamment et décident quand l’heure des vacances a
sonné, qu’il est temps de délester de ce lourd bagage. Il me faudra
danser malgré mon petit pied bandé, pas d’excuse, j’ai marchée et sauté de
joie une bonne partie de la journée. Ainsi, quand mes lointaines heures de
baladi ressurgissent, les yeux du doux brillent et ne me quittent plus, je
sais, au moment où il se lève, que son regard sur moi ne sera jamais plus le
même et que son désir, à chaque coup de percussion et de bassin, s’accroit. Le
regardant assis avec le tambour entre els jambes, tout sourire, tout désir, je
le trouve encore plus beau qu’à Tamerza. Il n’est plus affublé de son costume
pour touriste en mal d’exotisme, il pourrait être assis à n’importe quelle
terrasse de Montréal ou aux tamtam du dimanche au Mont Royal avec un peu plus
de talent au bout des doigts et du rythme dans le sang. Ksar Guilane, c’est une
bonne nuit souhaitée à tous nos compagnons et la fuite au désert pour voir les
étoiles, pour mourir un peu d’icelles qui nous trouvent autant qu’elles
transpercent ce voile au reflet violet.
Je suis étendue dans le sable, les yeux rivés sur ces lumières que je ne
vois jamais, nous tentons tous deux d’identifier les plus élémentaires sans y
parvenir, trop saoul d’alcool et d’amour, car notre exploration du lointain ne
durera pas et le retour sur terre n’en sera pas moins une exploration, mais
d’astres qui disparaissent vraiment lorsque la mort frappe. La plus
belle nuit d’amour, le meilleur amant, les criquets, les tourterelles, les
chèvres qui s’accordent à nos mouvements, participent de la douceur de la
nature, enfin, Cette nature que j’ai tant exécrée de sa sauvagerie, de son
urgence d’arriver à des résultats concrets et connus d’avance. Là, le temps
file, s’étire, se prolonge dans chaque caresse, la jouissance se fait attendre
et les yeux clos, je vois les dunes, je vois le sourire de cet homme, sur moi,
en contre-jour, me faisant l’amour à la chandelle qui s’éteignit avant que nous
n’arrivions au port. Sans phare, mais sans écueil, nous sommes arrivés et comme
un naufragé touchant du solide, Ali resta étendu de tous son poids, sur moi, en
moi, pendant presque une heure. En silence, encore, heureux, peut-être
rassasiés pour l’instant, ne sachant pas si ce serait la seule fois, la
dernière fois que ces corps de feux, ces chairs de flamme se toucheraient et se
consumeraient en chœur. Le lendemain, Matmata nous attendait et Gabès, mais surtout
sa gare où la fin, aussi, attendait. Il me semble que ces dernières heures,
comme celles de ma mère sur son petit lit simple, n’existent plus, n’ont pas
laissées ce qu’il fallait ou ce que j’en attendais, investissant tant
d’attentes dans ce qui a posteriori
devrait être signifiants. Pourtant, il appert que ce qu’on nomme dernier, peu
import ce qu’il vient qualifier, ne se présente pas nécessairement dans la
réalité comme dans nos rêves et espérances, ces construits précédant ou suivant
le moment qui se le représentent en tant que concentration finale, point
culminant où tout se rencontre et éclate avec fracas ou suffisamment de force
pour ne pas sombrer dans l’oubli. Pourtant, je ne me revois que plier bagage,
chéri mangeant le petit cube de fromage, la vue sur la vallée, les quelques
tombes de marabouts sur le chemin, la djellaba bleue touareg de l’homme aux
yeux cerclés de khôl, la femme qui m’offrir le pain, l’huile et le miel et me
fit moudre le grain en chantant, les
bières offertes par l’ami du père, les baisers échangés devant les yeux curieux
d’un enfant, les promesses que je redoute, tout en étant moi-même parfaitement
sincère, le bébé chameau blanc que je devais faire boire au biberon et l’arrêt
avant l’entrée dans le fief des salafistes pour s’embrasser dans la bouche,
avec la langue, une dernière fois. Ça peut paraître beaucoup de souvenirs, mais
cette journée fur trop courte, du moins, la partie hors du train, boite de fer
ne roulant pas très vite et dont la première classe ressemble à la dernière
dans différentes contrées, boit où je compris que je ne reverrai plus jamais
Ali et qui n’était qu’un rêve qui m’a couté passablement cher. Alors, je lis
Jankélévitch sur les vertus avec un goût âpre dans la bouche, pas celui de sa
langue déjà remplacé par ceux des biscuits, des dattes et des grandes gorgées
d’eau, voulant croire, encore que certaines personnes font ce qu’elles disent.,
que tous ne sont des intellectuels palabrant avec les mots, mais qu’il en
existe un qui puisse agir selon sa volonté s’accordant à la mienne, et ce, sans
que je ne l’ai explicitement demandé, un qui ne se sente pas obligé de briguer cette
volonté, bien qu’elle soit aussi folle qu’une échappée hors de la réalité, pour
des principes philosophiques de l’Antiquité. Le goût âpre, c’est le doute qui
se distille depuis dune décennie, la parole des hommes dont la crédibilité a
fondu comme neige au soleil et pour laquelle je veux néanmoins toujours croire
et aller jusqu’a me damner de croire. Il n’en demeure pas que c’est l’action,
voilà ce que je pense avoir rencontré dans cette ville surréaliste, dans ce
bout du monde où le mercure indique 50 à l’ombre en plein été et où je me
convaincs que je dois revenir. À l’instar d’un Saïd qui me dit qu’il ne fallait
pas batailler dans al vie, mais laisser notre destin advenir, je laisse Ali revenir et après quelques jours
de silence, sa voix grave venue du plus profond de ce ventre dans lequel je
voudrais faire mien s’est fait entendre et quelques jours plus tard son visage
s’est montré devant la porte bleue fermant la clôture de ma demeure, à Hergla,
plus de six cents kilomètres plus loin. Mon cœur éclate dans ma poitrine et
lors que la portière s’est ouverte pour le laisser émerger de ce véhicule que
je connais bien, ce n’était pas une réplique d’Atala. Mon cœur éclata dans ma
poitrine, tant et tant que les parcelles éparses furent recueillies dans ses
mains brunes, mains qui se vident des présents dans les miennes pour prendre ce
qui s’est fendu en morceaux. Avec lui et sa joie débordante, une joie que je
lui connais pas, des vêtements, des bijoux, il ,e couvre de ce qu’il a vu lui
faisant penser à moi, il me couvre de ses désirs et ses rêves qu’il ne cache
pas. Les arabes sont des amoureux incroyables, aptes à parler de leurs
sentiments et convaincus qu’il importe plus que tout de les partager, Ali dans
ma cuisine m’avoue toutes ses pensées, dont celle de me ramener avec lui à
Tozeur. Popotant le pire repas de ma vie adulte, je m’étonnes que les volontés,
justement, soient, même séparées par une semaine, encore sur la même longueur
d’onde, puisque j’ai rêvassé dans le taxi d’y retourner, j’avais pensé
embarquer avec lui et ne plus jamais le quitter, mais la seconde partie de
cette proposition demeura alors masquée.
C’est bien plus tard, sillonnant les routes dans la nuit et craignant
l’accident bête que je lui avouerais que je ne serais pas malheureuse de mourir
avec lui, mais pas maintenant. Nous sommes partis el dimanche refaire la
tournée du sud, faire un BBQ aux abords de trois lacs dont il m’avait beaucoup
parlé, un lieu éblouissant, refuge d’oiseaux migrateurs qui n’est visité que
par eux seuls, refaire les dunes à Ksar Guilane avec la caméra en bandoulière
et encore plus de soleil dans les yeux, plus d’amour dans le corps et
d’orgasmes offerts au monde, enfin libérés de nos corps, faire trempette dans
la source d’eau sulfureuse et se dévêtir, complètement nu sous le regard
impavide des dromadaire et des éléments minéraux, complètement seul dans cet
espace qui n’en finit jamais de révéler des dimensions insoupçonnées. Ali
connaît el désert comme sa poche et j’aime sa poche autant que le désert, les
deux semblant dorénavant aller de pair, car je ne sais plus pourquoi je me suis
vue dans cet état second, ivre de l’un ou de l’autre ou de leur si parfaite
réunion. À moins d’une semaine de ce départ, la phrase est en suspens,
oscillante Étant donnée qu’en posant les pieds dans cet atelier de la thèse que
j’ai négligée et qui pourrait, d’une certaine façon, avoir été bouclée, j’ai
senti déferler la sérénité. C’est d’ailleurs pour ça que la thèse reste à
travailler. Des pensées pour mon dernier émoi, des pensées pour ma mère et mon
père, des pensées pour ce que je devais faire ici et dans l’ensemble de ma vie
m’ont distraite, mais aussi abreuvée, m’ont permis de rendre la phrase que je
vais écrire concrète. Oui, elle oscille, ce qu’elle contient étant trop
puissant pour rester intact, semblable à une feu d’artifice qui illumine
momentanément le noir du ciel, mais éblouit complètement du moins, toujours
comme une enfant devant ces multicolores et multiformes explosions. Au début, à
mon arrivée à Hergla, son contenu
n’était érodé par trop d’heures. J’avais au matin refait le désert avec l’homme
endimanché de violet et six femmes
polonaises qui ne comprenaient ce que je faisais assise à l’avant avec le
contrôle de la radio dans les mains et ayant des conversations, des rires et
des attouchements avec le chauffeur. Le chauffeur, justement, était rayonnant,
blagueur, content de ne pas être aux prises avec le seul travail et fit tout
pour que je rentre sans dépenser un sous jusqu’à la maison. Je passais donc la
journée dans un immense autobus nolisé entre une jolie et gentille pharmacienne
polonaise et Mohammed, le guide pris d’affection pour Ali et pour moi. Le
chauffeur de cet engin chantant, récitant de la poésie et dansant agrémenta de
surcroit ce long trajet, autant que l’autre qui me cueillit à Kairouan pour me
mener jusqu’a port El Kantaoui et me confier son appréciation pour les
Québécois, des gens fort gentils. Le jour durant fut éblouissant, du grand huit
refait dans une plus grande bonne humeur en passant par le mosquée du 9e
siècle de Kairouan, faisant que els premiers mots écrits furent : le
bonheur finalement. Voilà, quarante nuits d’Hergla plus tard, pas suffisamment
d’autres d’amour, je ne ressentais plus au fond de l’âme l’envie de mourir et
de lâcher prise sur le monde, car le monde m’avait rattrapé avec son grand
filet de beauté et d bonté, il m’avait donné envie de vivre jusqu’à décembre
pour revenir aux festivals de Douz et de Tozeur, de rejoindre Ali au Maroc,
après avoir compléter quatre chapitres qui restent à peaufiner et revenir encore
une fois le tout déposé, défendu, avant oui après ce détour jusqu’à
Compostelle, avant ou après cet autre voyage en Espagne qu’il veut faire avec
moi n’aimant pas être seul et m’aimant, comme je veux le croire tel qu’en ce
moment où il le cria trois fois en français puis en anglais, désespéré, avec
les larmes ruisselant sur ses joues derrière ses lunettes qui lui donnaient
pour une fois ce petit air d’intello ou de gars qui approche vraiment de ses
quarante ans. Voilà, je pensais m’être perdue entre les martyrs et le chiasme,
le début de la phrase et la fin du voyage, car le mouvement, contrairement à la
station assise de l’écriture, change le récit. Je pensais m’être égarée dans la
lecture de L’homme sans qualité qui modifie le ton de mes papiers, à deux
cent pages de la fin du deuxième tome, j’en suis dorénavant aux descriptions plutôt
qu’à l’influence des écrits de Butler et Bergson. Quarante jours et quarante
nuits d’Hergla plus tard, des semaines entre Tunis, Dougga, Monastir et
Matmata, pour ne nommer que cela, je peux rentrée, heureuse, finalement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire