Sa beauté réside en ce qui la
chapeaute en grand, à ces bleus, comme des coups qui s’affadissent aux grèves
et changent au gré des marées, aux saisons, aux courants profonds et aux nuages
qui la lèchent. Ce n’est pas la plage, c’est la mer qui ainsi se laisse
embrasser, pénétrer, prendre de tous bords tous côtés. À son tour, par un
étrange mimétisme, elle embrasse et prends le sable qui l’absorbe, la saisie en
son creux en s’affermissant, juste là, à l’endroit ou l’envers de la caresse.
Des vagues se dessinent par le vent, le motif se reprend, lui aussi dans la
prise de la brise, la mer et la plage se copient, s’imitent et se délitent,
l’une confondue à l’autre, brouillant leurs limites et l’humain plonge ne sachant
où il met les pieds. L’humain
longe cet espace de léchage, n’y va pas invariablement. Quand le vent se montre
fort, quand les nuages grisonnent, quand le crachin repousse, il longe les
remous formés en surface, des mouvements qui signalent un tumulte indicible. Que se
passe-t-il sous l’eau? Ce qui se produit demeure englué aux algues amoncelées
et ayant séchées sous un soleil désormais absent. Il y a le jour où tous les
coquillages s’ouvrent et se fendent sous cette action incomprise, cette morsure
de la chaleur qui brise au moindre contact la coque sèche de l’animal mort ou
migrateur, absent, parti vers du plus clément.
Le sable glisse aux extrémités,
se repousse et refait sans cesse son territoire, reforme sa forme. J’avance
dans cet océan blond redécouvrant chaque fois, virginalement, le plaisir de ce
qui se trouve sous mes pieds, la seule surface sur terre à ainsi refuser de
résister au poids qu’elle rencontre. Elle se plie, se ploie et j’avance
péniblement, ralentie nécessairement et savourant aussi cet inévitable rapport
à cet autre, le caillou au plus petit morcelle, poussière obèse qui peut encore
parfois, sous les bourrasques, prendre son envol. Le sable se tasse, ondoie et
mes yeux s’alanguissent de fatigue, mais aussi des reflets frappeurs comme des
esprits qui ne peuvent sortir de la maison en attente du pardon. Le sable me
creuse un lit où je choie comme un vieux sac trop plein, trop lourd. Mes yeux
s’alanguissent sur l’écume formé à la crête de ce qui soudainement va se
briser, fugitives lames qui se recoupent en un ballet infini. Si la terre
arrête de tourner peut-être, si la lune dévie de son orbite peut-être, si mes
yeux se ferment ou si mon corps s’éloigne, surement. Le sujet assujetti qui
fait le mouvement, témoin devant cette danse effrénée qui indique que ça bat
son plein, son vide, son clair-obscur. Est-ce la mer, est-ce moi venue se
perdre à l’extrémité de cette langue de terre avancée imprudemment jusqu’à
cette non frontière?
De qui la plage est le lit ?
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