dimanche 19 mai 2013

LA PLAGE


Sa beauté réside en ce qui la chapeaute en grand, à ces bleus, comme des coups qui s’affadissent aux grèves et changent au gré des marées, aux saisons, aux courants profonds et aux nuages qui la lèchent. Ce n’est pas la plage, c’est la mer qui ainsi se laisse embrasser, pénétrer, prendre de tous bords tous côtés. À son tour, par un étrange mimétisme, elle embrasse et prends le sable qui l’absorbe, la saisie en son creux en s’affermissant, juste là, à l’endroit ou l’envers de la caresse. Des vagues se dessinent par le vent, le motif se reprend, lui aussi dans la prise de la brise, la mer et la plage se copient, s’imitent et se délitent, l’une confondue à l’autre, brouillant leurs limites et l’humain plonge ne sachant où il met les pieds. L’humain longe cet espace de léchage, n’y va pas invariablement. Quand le vent se montre fort, quand les nuages grisonnent, quand le crachin repousse, il longe les remous formés en surface, des   mouvements qui signalent un tumulte indicible. Que se passe-t-il sous l’eau? Ce qui se produit demeure englué aux algues amoncelées et ayant séchées sous un soleil désormais absent. Il y a le jour où tous les coquillages s’ouvrent et se fendent sous cette action incomprise, cette morsure de la chaleur qui brise au moindre contact la coque sèche de l’animal mort ou migrateur, absent, parti vers du plus clément. 

Le sable glisse aux extrémités, se repousse et refait sans cesse son territoire, reforme sa forme. J’avance dans cet océan blond redécouvrant chaque fois, virginalement, le plaisir de ce qui se trouve sous mes pieds, la seule surface sur terre à ainsi refuser de résister au poids qu’elle rencontre. Elle se plie, se ploie et j’avance péniblement, ralentie nécessairement et savourant aussi cet inévitable rapport à cet autre, le caillou au plus petit morcelle, poussière obèse qui peut encore parfois, sous les bourrasques, prendre son envol. Le sable se tasse, ondoie et mes yeux s’alanguissent de fatigue, mais aussi des reflets frappeurs comme des esprits qui ne peuvent sortir de la maison en attente du pardon. Le sable me creuse un lit où je choie comme un vieux sac trop plein, trop lourd. Mes yeux s’alanguissent sur l’écume formé à la crête de ce qui soudainement va se briser, fugitives lames qui se recoupent en un ballet infini. Si la terre arrête de tourner peut-être, si la lune dévie de son orbite peut-être, si mes yeux se ferment ou si mon corps s’éloigne, surement. Le sujet assujetti qui fait le mouvement, témoin devant cette danse effrénée qui indique que ça bat son plein, son vide, son clair-obscur. Est-ce la mer, est-ce moi venue se perdre à l’extrémité de cette langue de terre avancée imprudemment jusqu’à cette non frontière? 

De qui la plage est le lit ?

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